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  • Roch WAMYTAN
  • Homme politique, membre de l'Union Calédonienne et du FLNKS, Signataire de l'accord de Nouméa en 1998, Président du groupe UC-FLNKS et Nationalistes au Congrès de la Nouvelle-Calédonie
  • Homme politique, membre de l'Union Calédonienne et du FLNKS, Signataire de l'accord de Nouméa en 1998, Président du groupe UC-FLNKS et Nationalistes au Congrès de la Nouvelle-Calédonie

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Citoyenneté calédonienne socle du destin commun
Présentation d'une loi de pays proposant le drapeau du FLNKS comme drapeau du Pays                   
   
Bilan des déplacements dans la région du président du Congrès (coopération interparlementaire)         
       

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19 avril 2014 6 19 /04 /avril /2014 08:17

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Retranscription "mot à mot" RNC1ère

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Pour en débattre, 5 invités :

- Sonia Backès, tête de liste en province Sud de l’UCF

- Philippe Gomès, membre de la direction collégiale de Calédonie Ensemble

- Thierry Santa, secrétaire général du Rassemblement

- Roch Wamytan, tête de liste désignée par l’UC dans le Sud

- Charles Washetine, porte-parole du Palika

 

Comment les indépendantistes envisagent-ils la pleine souveraineté ? Quelles sont les différences entre les projets des partisans de la Nouvelle-Calédonie dans la France ? Qui sera citoyen calédonien ? Peut-on envisager la double nationalité ? Quelle place pour le dialogue et qui sera invité à la table des discussions ?

Journaliste : "C'est-à-dire" consacré, en ce début de campagne provinciale à l'avenir institutionnel, entre France et indépendance, quelle Calédonie pour demain ? Voici l'une des questions qui sera probablement dans les têtes, voire dans les cœurs des quelques 140 mille électeurs appelés à voter le 11 mai prochain. Quelles sont les projets des uns et des autres au-delà des grands principes, qui sera citoyen calédonien demain, peut-on envisager la double nationalité, quel dialogue possible en cette période de campagne, parfois acerbe. Pour débattre et tenter de répondre à ces questions de plus en plus présentes, cinq invités, Sonia Backes, tête de liste UCF en province Sud, Philippe Gomès, membre de la direction collégiale de Calédonie ensemble, Thierry Santa, secrétaire général du Rassemblement, Rock Wamytan, tête de liste désigné par l'UC dans le Sud, et Charles Washetine, porte-parole du Palika. Merci à tous les cinq d'avoir accepté ce débat sur la 1ère ce midi. Si beaucoup reste à préciser sur cet avenir institutionnel, la mission qui a été dépêchée par l'État a déjà balisé un petit peu le terrain et dessiné quatre configurations possibles, laquelle de ces options est la plus proche de vos projets aux uns et aux autres. Charles Washetine :

 

Charles Washetine : Sans difficulté, je dirais que c'est la première puisque c'est le combat que porte le Palika depuis sa création. Le Palika a vocation à amener ce pays, avec les autres, évidemment en tenant compte de l'histoire, à l'indépendance du pays. Donc, c'est bien la première option sur laquelle on est.

 

Journaliste : Rock Wamytan, vous vous retrouvez dans cette indépendance finalement la plus maximaliste que veut le Palika ?

 

Rock Wamytan : L'UC a toujours défendu l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie, à partir du moment où le peuple kanak a été colonisé par un État européen, en l'occurrence la France, que c'est un droit garanti par les Nations unies, donc, l'UC a toujours combattu et œuvré pour que la Nouvelle-Calédonie retrouve sa liberté, sa dignité, sa souveraineté au sein des nations du Pacifique.

 

Journaliste : Donc, je précise quand même, ça veut dire qu'on est dans une souveraineté, où la relation à la France est la plus minime possible, Rock Wamytan :

 

Rock Wamytan : Non, elle n'est pas minime, nous avons quand même une histoire commune avec la France qui date déjà depuis 160 ans quand même, puisque nous allons arriver au 24 septembre prochain à 160 ans de présence française. Nous avons eu une histoire commune, nous partageons des valeurs communes, une culture, la langue, donc, tout cela ne peut s'effacer du jour au lendemain. Donc, ça veut dire que la relation entre la Nouvelle-Calédonie, ou la future Nouvelle-Calédonie et son ancienne puissance coloniale sera à définir. Mais de toute façon, le lien restera. À nous de définir quel sera ce type de lien.

 

Journaliste : Thierry Santa, quelle est l'autonomie que vous imaginez ?

 

Thierry Santa : Avant tout, bonjour à tous les auditeurs, et vous l'avez dit vous-même, clairement, le Rassemblement et le Front pour l'unité, nous, c'est solution de non-indépendance qui nous intéresse. Et le président Pierre Frogier l'a dit lui-même, à l'occasion d'un congrès, nous souhaitons aller au bout de l'autonomie. Donc, c'est plutôt la solution numéro 3 qui nous intéresse le plus, même si les experts eux-mêmes l'ont dit dans leur rapport, ça reste des voies principales qu'ils ont définies. Et ce vers quoi on va aboutir, nous en sommes convaincus, c'est quelque chose qui correspondrait effectivement à cette solution numéro 3. Entre la 3 et la 4, on va dire, puisque c'est bien de ces solutions vers une autonomie de la Nouvelle-Calédonie au sein de la France pour laquelle nous nous battons au sein du Rassemblement et du Front pour l'unité.

 

Journaliste : Philippe Gomès, le projet de Calédonie ensemble ?

 

Philippe Gomès : Écoutez, nous sommes un pays extrêmement émancipé au sein de la République. Nous avons notre propre capacité à adopter des lois. À l'instar du parlement, c'est le seul endroit de la République où on peut le faire. Nous avons une citoyenneté propre, nous sommes les seuls également au sein de la République à disposer de cet avantage. Nous sommes compétents dans tous les domaines, quasiment, sauf les compétences régaliennes. Nous sommes compétents en matière fiscale, sociale, sanitaire, droit du travail, droit commercial, etc., nous avons des signes identitaires quasiment tous adoptés, il y en a qu'un, comme vous le savez, qui fait polémique, c'est le drapeau. Et donc, nous avons, au total, aujourd'hui, une capacité immense à nous gouverner nous-mêmes. Nous sommes dans une situation d'extrême autonomie. Je dirais, ce qui nous sépare de l'indépendance, c'est quasiment, aujourd'hui, une feuille de papier à cigarette, mais en même temps, ce sont des choses essentielles, ce sont les compétences régaliennes, ce sont la nationalité. Donc, nous, nous sommes partisans de nous gouverner nous-mêmes. Nous sommes partisans d'un pays émancipé, mais nous considérons que les limites de cette émancipation, c'est la République, qu'on doit rester au sein de la République. Je le dis souvent, la République, c'est un peu comme le récif autour de notre île, ça nous protège. Ça nous protège de certains d'entre nous, parce que parfois, on voit, ici, des responsables politiques qui pourraient assez facilement s'essuyer les pieds sur un certain nombre de libertés essentielles, et puis ça nous protège aussi des prédateurs extérieurs, je pense aux puissances régionales comme la Chine. Et si jamais la Nouvelle-Calédonie devenait indépendante, nous serions très rapidement recolonisés politiquement, économiquement, financièrement, par ces géants de la zone. Donc, oui à une extrême autonomie, mais qu'elle continue à s'exercer au sein de la République.

 

Journaliste : Sonia Backes, l'UCF a déjà fait part d'une proposition fédéraliste, est-ce que c'est toujours votre ligne de conduite ?

 

Sonia Backes : Alors, tout d'abord, bien évidemment nous excluons toute forme d'indépendance, que ce soit une indépendance pure et simple comme celle qui est soutenue aujourd'hui par Charles Washetine et par Rock Wamytan, mais également toute forme d'indépendance association. Alors, évidemment, c'est des grandes lignes, il est question d'autonomie élargie, ou finalement de statu quo. L'autonomie élargie, nous l'avons déjà, nous avons énormément de compétences, mais il y a des choses, aujourd'hui, qui ne fonctionnent pas. Il y a des choses à revoir en matière de répartition des compétences. On a des compétences qui sont aujourd'hui dévolues au gouvernement, alors qu'elles devraient relever des provinces, des compétences qui relèvent des provinces alors qu'elles devraient relever du gouvernement, et tout ça fait un millefeuille qui est difficilement accessible par les Calédoniens. Donc, il faut faire évoluer les choses, mais pas dans le sens d'avoir plus de compétences pour la Nouvelle-Calédonie. Nous avons été gavés de nouvelles compétences ces derniers mois et ces dernières années. On en est quasiment à un transfert tous les six mois en ce moment. Il faut d'abord être capable d'assumer correctement les compétences que nous avons avant d'en avoir de nouvelles. Donc, plutôt, pour répondre à votre question, plutôt vers une autonomie élargie, mais que nous avons finalement déjà.

 

Journaliste : Dans ces différentes configurations il y a plusieurs questions transversales, notamment celle de la citoyenneté. Quels seraient, demain, les critères pour être Calédonien ? Rock Wamytan :

 

Rock Wamytan : Pour être Calédonien, c'est déjà fixé dans l'Accord de Nouméa, dans la loi organique. Il faut être citoyen, c'est tout. Voilà, et au moment du référendum, si le référendum est positif pour l'accession du pays à la pleine souveraineté, les citoyens obtiennent la nationalité. Donc, voilà, c'est expliqué comme ça.

 

Journaliste : Donc, très clairement, ça veut dire que, pour vous, la citoyenneté telle qu'elle est aujourd'hui, c'est-à-dire le corps électoral, qui fait polémique, tel qu'il est fixé, de cette citoyenneté, découlera la nationalité, et les autres ?

 

Rock Wamytan : Oui, ce sont des citoyens qui deviendront des nationaux du nouveau pays, puisque c'est le déroulé de l'Accord de Nouméa qui l'a fixé comme ça.

 

Journaliste : Et du coup comment intégrer et quel va être le statut des autres qui ne sont pas citoyens aujourd'hui ?

 

Rock Wamytan : Les autres, c'est la négociation. Donc, au moment de la préparation du référendum et l'après. Ça, ça rentre dans le cadre de la négociation. Mais nous l'avons fixé déjà en 98. Les citoyens, on sait qui sont ces citoyens, voilà, ce sont des personnes qui étaient arrivées en 1998, sous réserve qu'ils aient dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie. Les autres qui sont arrivés après ne sont pas citoyens, puisque ça a été fixé comme ça. Nous, ça a été la dernière concession que le FLNKS a concédé au moment des négociations. Maintenant, s'il faut rediscuter des personnes qui sont arrivées après 98 pour qu'ils accèdent à la citoyenneté calédonienne, ça, c'est un autre débat, ça. Ça rentre dans le cadre d'une autre discussion. Mais, pour le moment, nous sommes bien dans le cadre du déroulé de l'Accord et l'UC est bien dans cette démarche-là. Mais, nous sommes ouverts à la discussion, puisqu'il faut évidemment tenir compte des personnes qui sont installées après 1998, voilà, et nous l'avons toujours fait ! Je rappelle tout simplement qu'en 1983 nous l'avons fait, au moment de Nainville-les-Roches, qu'en 1988 nous l'avons fait, et 98 nous l'avons fait. Donc, c'est pas quelque chose d'exceptionnel. Donc, nous sommes ouverts à la discussion, mais, bon, nous avons aussi des principes.

 

Journaliste : Ça nous amène à la question des négociations, qu'est-ce qui est négociable ? On voit que le fond entre indépendance et non-indépendance la ligne ne bouge pas beaucoup. Qu'est-ce qu'on peut mettre sur la table des négociations, est-ce qu'on met aujourd'hui des compétences régaliennes en discussion, l'article 27 en discussion ? Thierry Santa :

 

Thierry Santa : Moi, ce que je voudrais rappeler quand même, c'est le Rassemblement, depuis maintenant très longtemps, le dit, l'a répété, nous, ce que nous souhaitons pour la sortie de l'Accord de Nouméa, c'est une solution consensuelle à nouveau, autrement dit, un troisième Accord. C'est ce pourquoi nous nous battons déjà depuis de nombreuses années. Et dans le cadre de ce troisième accord, c'est effectivement une discussion qui doit se mettre en place, entre les partisans du maintien de la Calédonie dans la France et les indépendantistes. C'est une discussion, ça veut dire que ce sera une négociation, ça veut dire que l'on va chacun arriver autour de la table avec nos propositions, ou en tout cas nos points sur lesquels nous souhaitons revenir. Et dans le cadre de l'Accord de Nouméa qui, je le rappelle aussi, n'est qu'une situation provisoire pour la Nouvelle-Calédonie, tel que l'Accord lui-même le dit dans son texte, il s'agit bien d'une situation provisoire et qui doit être réglée à l'issue de cet Accord. Et pour revenir aux discussions dont je parlais, nous, on a principalement trois points sur lesquels nous voulons rediscuter, c'est bien sûr le corps électoral, monsieur Wamytan vient d'en parler. Je rappelle que l'Accord de Nouméa a été signé à l'époque avec un corps électoral glissant, et ensuite il a été gelé en 2007, sous la pression des indépendantistes. Mais, pour nous, nous avons signé cet accord avec un corps électoral glissant. Donc, c'est un point sur lequel nous voulons revenir dans le cadre des discussions de sortie de l'Accord de Nouméa, avec des éléments complémentaires, comme les enfants nés en Nouvelle-Calédonie, quels qu'ils soient devraient devenir des citoyens de ce pays et les conjoints de citoyens également, qu'ils puissent acquérir cette citoyenneté dans un deuxième temps. Donc, ça, c'est le premier point. Le deuxième point, c'est la clé de répartition, du financement des provinces. On connaît très bien les uns et les autres la situation actuelle de la province Sud qui devient quasiment exsangue financièrement, et inversement, la province Nord et la province des Îles qui constituent des matelas financiers chaque année grâce à cette clé de répartition qui est figée dans le texte. Nous, nous considérons que cette clé de répartition, elle doit être proportionnelle, peut-être pas strictement proportionnelle, mais elle doit prendre en considération l'évolution démographique du pays. À l'époque, en 98, 66 % de la population habitaient en province Sud, sachant que la province Sud ne bénéficie que de 50 % de ce financement. Aujourd'hui, 75 % de la population vit en province Sud. Donc, vous imaginez bien l'impact, après financier, en matière d'enseignement, en matière de santé, en matière de logement que ça représente à supporter par la province Sud. Et enfin, le troisième point sur lequel nous voulons rediscuter également, c'est la répartition du Congrès actuel. 32 membres du Congrès, sur 54, sont issus de l'assemblée de la province Sud, ça représente moins de 60 % des membres du Congrès, et je le répète, 75 % de la population habitent en province Sud. Donc, ce point-là aussi, il faudra forcément rediscuter dans le cadre des discussions de sortie de l'Accord de Nouméa.

 

Journaliste : Finalement, que ce soit du côté loyaliste, ou indépendantistes, Charles Washetine, est-ce que, là, ce sont de bases de négociations communes ?

 

Charles Washetine : Nous, nous avons toujours considéré que l'Accord de Nouméa en soi est déjà l'accord convenu entre les partenaires qui l'ont signé aux côtés de l'État. Donc, on est dans la période de la mise en œuvre de cet accord. Et nous considérons qu'il faut aller jusqu'au bout de l'Accord. Y aller jusqu'au bout, c'est tenir compte du calendrier qui a été arrêté, parce que nous, nous considérons que ce qui est fait au moment de la signature est avant tout un pari pour tout le monde qui tienne compte de l'histoire du pays. Et je crois le préambule de l'Accord est on ne peut plus clair sur le sujet. La question du pays tel que configuré, c'est-à-dire géographiquement, la question des populations aujourd'hui qui ont vocation à vivre dans ce pays, ce sont aussi des réalités de l'Accord. Il appartient…

 

Journaliste :Ça veut qu'on ne discute pas avant Charles Washetine ?

 

Charles Washetine : Nous, nous avons toujours considéré qu'il faut suivre l'Accord tel qu'il existe. Malheureusement, on s'est un peu fourvoyé dans la mise en œuvre de l'Accord, parce que souvent on s'est attaché davantage à veiller…, enfin, des enjeux de pouvoir qui ont mis à mal la mise en œuvre de l'Accord, il y a eu des accords à côté de l'Accord, ce qui n'était pas convenu, avec les difficultés que l'on a connues dans le fonctionnement, notamment des institutions de la Nouvelle-Calédonie, et je pense en particulier à ce qui s'et passé en 2010, qui a constitué d'une certaine manière une sorte de frein à ce qui pourrait être mis en service dans le cadre des politiques publiques au profit des citoyens. Le pari, pour tout le monde, consiste bien à dire, il  y a aujourd'hui une citoyenneté qui est plus ou moins configurée, travaillons pour le compte de ces citoyens. Aujourd'hui, et on continue à le constater, beaucoup d'exclusions, c'est anormal qu'aujourd'hui 20 % de la population vive au-dessous du seuil de pauvreté et c'est aussi ça qui fait obstacle à l'idée que les citoyens calédoniens, aujourd'hui, se font de leur propre citoyenneté. Je crois qu'il y a un sentiment très fort, aujourd'hui, d'appartenance à ce pays, qu'il s'agisse bien des populations kanakes, mais aussi de ceux qui à des moments reconnus comme étant les victimes de l'histoire, mais qu'on a intégré dans le corps des citoyens, avec les critères qui ont été déterminés à l'article 188 de la loi organique. Je crois que la préoccupation aujourd'hui, et ça, c'est notre préoccupation, c'est de dire comment on fait en sorte que ceux qui vivent, ici, en Nouvelle-Calédonie, se sentent bien dans leur pays. Nous avons un pays qui est extrêmement riche, il faut veiller à une meilleure répartition…

 

Journaliste : Donc, on va au bout de cet Accord de Nouméa et on voit après ?

 

Charles Washetine : On est dans la période, et l'Accord le prévoit, aujourd'hui il y a les élections qui s'ouvrent, c'est l'Accord ça, donc, une majorité qualifiée des trois cinquièmes…, quand on a signé l'Accord à l'époque, nous, on savait qu'on sera pas…, on était dans une situation minoritaire et on s'est dit, c'est un défi qu'on se lance entre nous, est-ce qu'on aura les trois cinquièmes au Congrès pour pouvoir enclencher la consultation de sortie ? On voit bien qu'il y a des difficultés, mais c'est quand même le défi. Et pour pouvoir réussir ce défi, ça passe par ce qu'on est en capacité de faire, notamment dans les collectivités provinciales ou dans les communes.

 

Journaliste : Sonia Backes, vous avez dit, on peut discuter, mais finalement il faut que ce référendum ait lieu assez tôt pour que, justement, tout le monde sache que la majorité des Calédoniens sont pour la Calédonie dans la France. Pourquoi est-ce que c'est important de trancher finalement au plus vite ?

 

Sonia Backes : D'abord, sur la question du corps électoral, je suis étonnée d'entendre Rock Wamytan dire qu'il est ouvert à la discussion. Depuis 98, c'est pas ce qu'on a constaté, puisque ce qu'on a constaté, c'est que les indépendantistes ont tordu le bras des loyalistes sur les différentes étapes. Ça a été le cas, en 2007, avec le gel du corps électoral, aujourd'hui, c'est plus de 20 mille personnes qui sont exclues du corps électoral et on se rend compte qu'on arrive à une situation extrême, où on va avoir des enfants qui sont nés en Nouvelle-Calédonie, qui n'auront connu que la Nouvelle-Calédonie, qui vont atteindre la majorité et qui, parce que leurs parents ne seront pas citoyens, ne pourront pas voter. Cette situation-là, ne peut pas durer. Mais, au-delà de la question du…

 

Journaliste : Je vous laisse finir juste après, mais c'est important de répondre sur cette question des enfants. Ce point précis, c'est un point de discussions possibles Rock Wamytan que les enfants nés ici ?

 

Rock Wamytan : Pour le moment, non. Puisque nous sommes dans le déroulé de l'Accord. Donc, il faut suivre l'Accord, c'est tout.

 

Sonia Backes : Donc, on peut discuter, mais…

 

Rock Wamytan : Non, il faut suivre l'Accord. Maintenant, au moment où on va arriver vers la fin de l'Accord, 2018, là, nous, au niveau de l'UC, puisque je parle au nom de l'UC, nous avons toujours été ouverts à la discussion. Nous sommes quand même à l'initiative de la mise en place des différents comités de pilotage de l'Accord de Nouméa, donc, nous sommes tout à fait d'accord pour discuter, pour évoquer, pour mettre tous les problèmes sur la table et puis voir si on peut apporter des solutions. Mais, pour le moment, nous sommes dans un déroulé qui est fixé par des règles, il faut suivre les règles, tout simplement, voilà.

 

Sonia Backes : Oui, je parlais de 2007, du corps électoral, et puis alors ce qui se passe en ce moment est d'une violence encore plus forte, puisqu'aujourd'hui il y a une demande de radiation pour plusieurs milliers de personnes qui, elles, sont bien arrivées avant 98. Donc, on est dans une démarche où à chaque fois les indépendantistes, sans dialogue, puisqu'en 2007 c'était la pression qui a été mise sur l'État pour obtenir le gel du corps électoral, et là, on est sur des démarches qui sont des recours en justice. Donc, on n'est pas dans une démarche de dialogue, on est dans une démarche d'exclusion d'un maximum de personnes qui sont arrivées en Nouvelle-Calédonie, et là, en l'occurrence, avant 98. Donc, je suis un peu étonnée d'entendre qu'il y a une ouverture au dialogue, les actes ne prouvent pas du tout les paroles qui viennent d'être tenues. Ensuite, sur la question du calendrier, puisque c'est la question que vous venez de me poser. Sur la question du calendrier Charles Washetine dit qu'il faut aller au bout de l'Accord de Nouméa, et ça avait été défendu par le Palika au moment des élections législatives de dire, premier référendum en 2018, deuxième en 2020, troisième en 2022, allons au bout. Mais, moi, je pose une question aux Calédoniens, dans quel état va être la Nouvelle-Calédonie si nous allons jusqu'en 2022 ? On voit bien qu'aujourd'hui on a un ralentissement économique, lié au fait que…, que ce soient les entrepreneurs, que ce soient les investisseurs, ou les particuliers, tout le monde a peur, personne ne sait de quoi notre avenir sera fait. Et il me semble important que l'on soit fixé dans des délais assez courts. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut ouvrir le dialogue. Ce dialogue, il faut l'ouvrir dès le lendemain des élections. On dit également que ce dialogue doit se faire avec tous les loyalistes en face de tous les indépendantistes, et pas en catimini entre deux partis, un parti loyaliste et un parti indépendantiste. Tous les loyalistes en face de tous les indépendantistes pour trouver un accord. Si cet accord est possible dans des délais assez courts, tant mieux ! Si cet accord n'est pas possible, il ne faut pas craindre d'aller au référendum, tout simplement pourquoi ? Parce que ce référendum permettra de montrer qu'effectivement on sait qu'il y a 60 à 65 % de la population qui souhaite rester française. Nous, on le sait, mais ça permettra de le montrer à l'État, mais également de montrer à l'extérieur, et notamment à l'ONU que la majorité des Calédoniens souhaite rester Français.

 

Journaliste : Philippe Gomès, vous avez déjà fait part de vos craintes sur un référendum qualifié de couperet. Aujourd'hui, quel est le projet de Calédonie ensemble sur ce calendrier et sur ces négociations possibles avec le partenaire indépendantiste ?

 

Philippe Gomès : Oui, c'est une question très importante, c'est même une question fondamentale, puisqu'en réalité le reste va découler de la méthodologie qu'on est susceptible d'adopter. Donc, nous qu'est-ce qui fonde notre réflexion ? Une chose simple, on vit en paix, on vit en paix pas depuis un siècle, on vit en paix depuis 25 ans, depuis la signature des Accords de Matignon. On a commencé à construire une communauté de destin, ça a pas été simple, mais parfois un peu chaotique. En tout cas, depuis 25 ans, c'est ce qu'on essaye de faire, les uns et les autres. On a créé une citoyenneté et on essaye de bâtir un vivre ensemble calédonien, avec nos histoires, nos difficultés, en essayant d'assumer une mémoire commune qui est parfois douloureuse. La question pour Calédonie ensemble, c'est comment on préserve ça ? Comment on va pas se taper la tête dans le mur à l'occasion de cette sortie de l'Accord ? On finit un cycle qui a démarré lors des Accords de Matignon et on va en engager un autre. Comment on l'engage ? C'est pour ça que nous sommes fondamentalement opposés aux trois référendums qui sont prévus par l'Accord de Nouméa….

 

Journaliste : Donc, vous vous retrouvez avec le Rassemblement sur cette question ?

 

Philippe Gomès : Nous y sommes fondamentalement…, je me retrouve avec qui pense que les trois référendums sont pas utiles pour le pays…, à une époque, le Rassemblement voulait les faire et voulait purger l'indépendance, afin qu'après on n'en parle plus, bon. Donc, moi, je suis ravi que, désormais, la position que je défends depuis l'origine a été rejointe. On va pas se disputer là-dessus. J'aimerais finir mon raisonnement, donc, trois référendums, non. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons, ça va dresser les Calédoniens les uns contre les autres de manière frontale et stérile. Pour ou contre l'indépendance, c'est un peu réducteur comme problématique à poser de cette manière-là aux Calédoniens. Ça va créer donc des tensions et ces tensions, bien évidemment, elles sont susceptibles de fragiliser un vivre ensemble qui est pas toujours simple à construire. La deuxième raison, c'est, quelle que soit la réponse, soit oui à l'indépendance, soit un non à l'indépendance, on va vers ce qu'on peut appeler un néant institutionnel. Alors, c'est un néant institutionnel total, si c'est l'indépendance. Imaginons qu'une majorité se prononce (?), puisque, là, il y a pas une ligne qui a été écrite, nulle part sur, quel est ce pays dont on nous parle, dès lors que les Calédoniens auraient décidé d'aller vers l'indépendance. Mais, si on reste au sein de la République, c'est-à-dire si on dit non à l'indépendance, là aussi, rien n'est défini. La seule chose qui est définie, c'est qu'on doit se retrouver autour d'une table, c'est ce que dit l'Accord de Nouméa, pour voir comment on fait. Donc, c'est la deuxième raison qui nous conduit à dire, un référendum pour pas savoir où on va, on voit pas trop à quoi ça sert. Et puis enfin, troisième raison qui nous conduit à dire non à ces trois référendums tels qu'ils sont prévus, c'est que la discussion, on est susceptible de la faire quand on a dit trois fois non à l'indépendance. Donc, on va dire non…, je le dis à Rock et à Charles Washetine, qui le savent aussi bien que moi, en 2018, puisque la majorité des Calédoniens sont hostiles à l'indépendance, et le résultat est autrement probable, à hauteur de 55 ou 60 %, contre l'indépendance. On va redire non en 2020, on va dire une troisième fois non en 2022. Et l'Accord nous dit, quand on a dit trois fois non à l'indépendance, on se retrouve autour d'une table, comme ça, vachement décontractés, d'ailleurs on boira un whisky ensemble, et on va dire : comment on fait ? Moi, je suis persuadé, quand on aura dit trois fois non à l'indépendance, les Calédoniens auront dit trois fois ça, à partir de ce moment-là, on aura, d'une part, des non-indépendantistes, dont nous faisons partis pour un certain nombre, ici, qui seront prisonniers de leur victoire et qui auront face à eux des indépendantistes qui auront été trois fois humiliés par la défaite. Je vois pas en quoi tout ça est constructif pour le pays. C'est pour ça que nous disons une chose simple, à Calédonie ensemble, depuis l'origine, faisons en sorte de discuter avant ces référendums. Faisons en sorte qu'il n'y ait pas trois référendums, mais un seul. Et faisons en sorte de construire ensemble les deux branches de l'alternative qui s'offre à nous, c'est-à-dire, la branche indépendance, puisqu'elle est soutenue par une partie du peuple calédonien, et la branche pour au sein de la République, puisqu'elle est soutenue par les autres partis, dont Calédonie ensemble est l'un des tenants.

 

Sonia Backes : Les indépendantistes, ils auront un non à l'indépendance, ils seront pas plus…, ils seront moins humiliés dans ce cas-là que dans le cadre du référendum….

 

Journaliste : Juste une précision sur la gymnastique intellectuelle que peut demander pour des non-indépendantistes de préparer une solution d'indépendance et pour des indépendantistes de contribuer à préparer…, comment ça se concrétise, ça, ça paraît… ?

 

Philippe Gomès : Ça paraît difficile, mais vous savez le chemin du pays, il a toujours été difficile, ça n'a jamais été un chemin de roses, ça a été un chemin compliqué. Il a fallu faire des efforts les uns à l'égard des autres pour pouvoir continuer à cheminer ensemble. Et je pense, je souhaite et j'espère qu'on sera capable de les faire. J dis simplement qu'on doit arriver, chacun, autour de la table, avec ce qu'on a dans notre sac. Le Rassemblement UMP a des propositions qui ont été exprimées qui ont été dites, l'UCF en a d'autres, le Palika en a certaines, l'UC aussi. Mettons nos sacs sur la table, notre vision du pays, notre projet du pays et essayons de construire ensemble les projets que nous allons proposer aux Calédoniens. Bien sûr que le FLNKS doit prioritairement nous dire ce qu'il souhaite dans l'indépendance du pays. C'est quand même d'abord à ceux qui soutiennent cette position-là, de nous dire qu'est-ce qu'ils veulent dans ce pays indépendant. Et bien sûr que nous, de sensibilité non-indépendantistes, nous devons dire ce que nous souhaitons dans cette Nouvelle-Calédonie qui reste au sein de la République. Mais ensuite, autour de cette table, il faut pas que ce soit une sorte de bataille rangée, de bloc contre bloc, d'affrontements qui conduisent à des tensions. Non, il faut qu'on essaye, les uns et les autres de nourrir ce dialogue, qui fasse en sorte que quoi ? C'est que le verdict des urnes, au terme du référendum, il soit accepté par tous, qu'on soit indépendantiste ou non-indépendantiste, quelle que soit la manière dont le peuple calédonien s'exprimera, qu'on puisse les uns et les autres accepter ce résultat. Et pour qu'on puisse, les uns et les autres, accepter ce résultat, il faut nourrir le dialogue en amont et remplir les deux boîtes qui seront proposées aux Calédoniens, celle de l'indépendance et celle d'une Nouvelle-Calédonie émancipée au sein de la République. C'est ça, le chemin qu'on appelle "référendum éclairé" à Calédonie ensemble, que nous proposons aux Calédoniens, pour continuer, je reprends ma base, à bâtir un pays dans la paix, continuer la communauté de destin que nous avons commencé à construire ensemble.

 

Journaliste : La campagne a commencé avec une tonalité parfois un petit peu virulente, est-ce que cette possibilité d'une discussion presque confraternelle, d'ici deux-trois ans, est réaliste, ça vous parait possible ? Thierry Santa :

 

Thierry Santa : C'est même pas que ça nous paraît possible, c'est qu'on n'aura pas le choix. Nous n'aurons pas le choix de nous retrouver après ces élections autour de la table, tous autant que nous sommes, pour trouver cette solution consensuelle. Je voudrais quand même rebondir sur les propos de monsieur Gomès. Je suis heureux de vous entendre dire que vous êtes opposé à la confrontation entre les deux blocs qui existaient jusqu'à maintenant, mais c'est pas tout à fait le même discours que j'ai entendu il y a deux ans, pendant la campagne législative, où vous avez été pour le moins très, très agressifs et qui a abouti au résultat que tout le processus que nous avions essayé de mettre en place pour relancer justement ces discussions pour la sortie de l'Accord de Nouméa, dès 2010, avec un geste fort qui a été fait de la levée des deux drapeaux, eh ben, tout ça a été balayé du fait de cette campagne désastreuse. Et cette campagne qui s'appuyait essentiellement sur les peurs de chacun et sur la confrontation de chacun. Il faut sortir de cette confrontation, c'est clairement ce que nous disons depuis longtemps. On est sorti de ces logiques de blocs. Au Rassemblement, ça fait longtemps qu'on se pose plus la question de savoir si on veut être indépendant, ou pas. La question qu'on se pose, aujourd'hui, c'est comment nous voulons construire notre Calédonie dans la France ? C'est pas la peine de travailler sur un référendum éclairé et de laisser espérer encore à la population que, potentiellement, on deviendra indépendant, là, je parle des électeurs indépendantistes. Ce qu'il faut surtout faire, c'est construire une Calédonie tous ensemble et convaincre la majorité de la population, y compris les électeurs indépendantistes que la meilleure solution pour tout le monde, y compris pour eux, je le répète, c'est de rester français. C'est le pays des droits de l'homme qui leur garantira leur revendication identitaire qui était la base, j'en suis convaincu, de tout ce qui s'est passé dans les années 80, c'est le pays des droits de l'homme qui leur permettra de garantir leur identité, leur culture, leur coutume et ainsi de suite.

 

Journaliste : Philippe Gomès, vous souhaitez répondre :

 

Philippe Gomès : Oui, j'ai été pris à parti gentiment par monsieur Santa.

 

Thierry Santa : Gentiment.

 

Philippe Gomès : Gentiment dans le ton en tout cas, même si le fond était très divergent.

 

Thierry Santa : Toujours.

 

Philippe Gomès : Je vous remercie. Non, moi, je veux simplement dire que la politique des blocs, à Calédonie ensemble, ça fait longtemps qu'on l'a dépassée. En 2008, j'ai été accusé d'être indépendantiste parce que je dialoguais avec Paul Néaoutyine pendant les élections. Donc, c'était une sorte de virus dès lors qu'on parlait avec un indépendantiste on devenait indépendantiste. Bien évidemment que ça fait très longtemps que ma philosophie politique m'a porté ailleurs que dans un affrontement frontal et stérile. Ce que j'ai contesté, je le dis en un mot, parce que c'est plus le débat d'aujourd'hui, enfin ça peut l'être aussi, si vous le voulez, mais, c'est la méthode qui a été utilisée par le Rassemblement UMP dans le cadre des deux drapeaux, de l'élection de Rock Wamytan à la présidence du Congrès, de la mise en place de la coalition au gouvernement avec l'UC et le Parti travailliste. Et moi, j'ai toujours considéré que tout ça nous emmenait vers l'indépendance-association. La solution consensuelle, c'est l'indépendance-association, et quand j'entends monsieur Santa qui dit, toujours la même idée, les indépendantistes vont faire une ultime concession, ils vont accepter de signer un papier pour rester dans la France, c'est l'ultime concession. J'invente rien, c'est le président de votre mouvement, Pierre Frogier, qui l'a indiqué. Moi, je ne crois pas à cette ultime concession des indépendantistes. Ils resteront indépendantistes parce que c'est d'abord leur droit, on est en démocratie, on est en République, chacun peut avoir les idées qu'il veut, dès lors qu'il trouble pas l'ordre public bien évidemment. Et puis parce que c'est un mouvement qui est engagé de longue date et des indépendantistes, on en a partout sur le territoire de la République française, pas qu'en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie, en Corse et dans d'autres parties du territoire. Donc, il n'y aura pas, moi je dis mon sentiment là-dessus, chacun peut avoir une opinion différente, vous pensez qu'à un moment les indépendantistes vont renoncer à l'indépendance, moi, je pense que les indépendantistes ne renonceront pas à l'indépendance. Par contre, ce que je crois, c'est qu'il faut de manière indiscutable dialoguer de manière soutenue, approfondie, constructive avec eux, de façon à ce qu'on fasse plutôt valoir les avantages d'une Nouvelle-Calédonie qui est très émancipée, on se gouverne nous-mêmes dans tous les domaines de compétences, mais on reste au sein de la République. Parce qu'au total, au 21e siècle, avoir à la fois la capacité de se gouverner soi-même et de rester au sein de la République, c'est quand même probablement la meilleure solution que puisse avoir un petit pays comme le nôtre.

 

Journaliste : Rock Wamytan, on a envie de vous convaincre…

 

Rock Wamytan : Me convaincre de quoi ? De la…

 

Journaliste : De rester dans la France.

 

Rock Wamytan : Angélique Souche, je vais vous dire ce que m'a dit mon grand-père, Rock Pidjot, mon grand-père maternel quand même qui a été 26 ans député de la Nouvelle-Calédonie. Ses amis socialistes de l'époque n'arrêtaient pas de lui dire, "mais Rock, reste avec nous dans la France, nous partageons les mêmes valeurs". Et mon grand-père leur disait, "vous savez, quand on a été chef sous le régime de l'indigénat, on ne peut plus aimer la France". Vous savez, moi je suis un peu dans cette continuité-là, donc, je respecte la France, cet État, cette grande nation, avec ses valeurs, mais à partir du moment où le système que la France a installé ici, depuis 160 ans, il est toujours là, moi, c'est niet, voilà. On peut trouver des solutions, on peut négocier, on peut discuter. Je pense que c'est important de garder cette configuration-là qui est présente depuis maintenant 25 ans, depuis les Accords de Matignon, même depuis Nainville-les-Roches, puisque nous nous connaissons tous, nous avons des espaces où nous pouvons échanger. Et même si nous ne sommes pas d'accord sur les objectifs et les orientations politiques que chacun défend. Ils défendent que la Nouvelle-Calédonie reste française ad vitam aeternam, comme a dit un jour Pierre Frogier, c'est leur droit, nous, nous défendons, nous, les gens d'ici, les Kanaks, les Océaniens, les Mélanésiens, nous défendons notre liberté vis-à-vis d'un système et le système colonial français, il est toujours là ! C'est pour ça que je dis que tant que ce système-là il est (?) et qu'on ne discute pas au fond…

 

Journaliste : On se pose la question quand on entend toutes ces mains tendues pour discuter avec vous, finalement, qu'est-ce que vous en faites ? Quand Sonia Backes dit "Attention, le fait de ne pas aller au référendum, d'attendre éventuellement jusqu'en 2022, c'est dégrader la situation, le climat social, etc."

 

Rock Wamytan : C'est elle qui le dit, parce qu'ils font toujours peur aux gens, mais il faut pas avoir peur. À propos de ce que disait Sonia Backes tout à l'heure, je sais pas si elle était là en 97-98, au moment des négociations…

 

Sonia Backes : J'étais aux études, Monsieur Wamytan.

 

Rock Wamytan : Donc, elle était encore petite. Nous, en 1998, lorsque nous avons discuté, à la veille du 21 avril, quelques jours avant, on discute de ce corps électoral, puisque la méthode qui nous avait été proposée par Alain Christnacht, à l'époque, il défendait les positions de l'État, nous avait dit : nous discutons de tout, pendant des semaines et des mois, et à la fin, nous allons discuter du sujet qui fâche, c'est-à-dire le corps électoral. On discute, Jacques Lafleur, évidemment était contre ce corps électoral restreint, on discute durant des heures et des heures, et à un moment donné, Jacques Lafleur va nous dire : je peux comprendre que le droit de vote soit réservé aux gens de ce pays, et à ce moment-là, j'étais chef de délégation FLNKS, je l'ai remercié devant tout le monde, mais ça, il y a des témoins qui sont là, encore, je l'ai remercié, j'ai dit : Monsieur le Député, vous avez fait un geste fort vis-à-vis de la revendication kanake, puisque là, vous avez dit et vous avez confirmé que le droit de vote peut être limité et restreint aux gens du pays. C'était ça. Bon, qu'est-ce qui s'était passé après ? C'est le conseil constitutionnel qui nous a dit quoi ?

 

Sonia Backes : Un corps électoral glissant, oui.

 

Rock Wamytan : Mais pourquoi il a dit que c'était un corps électoral glissant ? Parce que c'était mal rédigé. Mais oui, mais tout à fait ! C'était au niveau de la rédaction, et moi, quelque part, enfin nous, indépendantistes, on s'est dit : mais est-ce que les rédacteurs de l'État n'ont pas fait exprès d'écrire le texte de façon à ce que les deux groupes se retrouvent, un, glissant, l'autre restreint, limité. En fait, le conseil constitutionnel dit : renvoyez votre copie, puisqu'en fait, c'est pas un corps électoral limité tel que je l'interprète. Donc, la copie aurait dû être revue par la révision constitutionnelle de 2000 ou 2001. C'est pas le FLNKS qui a reporté le congrès de Versailles, qui l'a reporté ? Jacques Chirac, et pourquoi ? C'est pas à cause de nous, c'est à cause de la question de la réforme du conseil supérieur de la magistrature, et le bébé est passé avec l'eau du bain. En fin de compte, ce n'est pas en 2000 que ça aurait dû revenir à l'esprit de cet Accord, c'est-à-dire un corps électoral restreint et limité, mais ça a été reporté, sine die, et ce n'est que 9 ans plus tard, c'est-à-dire en 2007, qu'enfin le Congrès a figé le corps électoral.

 

Sonia Backes : D'abord, Monsieur Wamytan, je comprends votre revendication, c'est pas pour ça que je l'accepte. Je crois qu'il faut arrêter de prendre les Calédoniens pour des idiots en disant que parce que Jacques Lafleur a dit qu'il comprenait la revendication, il l'avait acceptée. Ça, c'est faux. Ça a été précisé par lui, et par ceux qui le représentent. Je crois qu'il faut pas raconter que tout ce que vous avez fait après, c'était sur la base d'un engagement de Jacques Lafleur. Ensuite, sur la question…

 

Rock Wamytan : Vous étiez pas là, et j'étais là, ce soir-là, quand il l'a dit, il faut arrêter de raconter des histoires…

 

Sonia Backes : C'est vous qui racontez des histoires. Il a dit qu'il comprenait.

 

Rock Wamytan : Il a dit…

 

Sonia Backes : Qu'il comprenait.

 

Rock Wamytan : Demandez à tout le monde, il l'a dit.

 

Sonia Backes : Sur la discussion, il y a une vraie différence de méthode. On voit bien : Rock Wamytan, a dit que la France, qu'il ne voulait plus de la France, que quand on avait été chef sous l'indigénat, on voulait plus de la France. Les choses, elles sont claires. Comment, ensuite, peut-on avoir des discussions en disant, on va réussir à convaincre les indépendantistes. C'est pas vrai ça. Donc, ce qu'on dit, nous, simplement, c'est que ces discussions-là, on doit les avoir, on doit avoir un dialogue, mais il faut avoir un dialogue ferme, il faut pas faire des concessions unilatérales. Ensuite, sur le calendrier, parce que le référendum éclairé de Philippe Gomès, c'est un outil de communication, ça reste un référendum. On va demander, d'un côté, aux gens, s'ils veulent une forme d'indépendance, et de l'autre côté, s'ils veulent une forme de statut qui permet de rester dans la France. Au final, ça revient exactement à la même chose, c'est tout simplement un outil de communication. La vraie question qui se pose, c'est de savoir combien de temps on parle, combien de temps on discute, est-ce qu'on va discuter jusqu'en 2022, alors qu'on sait très bien ce que veulent les uns et les autres, et il s'agit pas d'humilier, c'est Philippe Gomès qui a dit ça tout à l'heure, il s'agit pas d'humilier les indépendantistes, il s'agit de discuter sur la base de ce que souhaite la majorité des Calédoniens, et il s'agit pas de le dire non plus pour l'éternité. Vous avez parlé, tout à l'heure, Monsieur Wamytan, de rester dans la France ad vitam aeternam. Aujourd'hui, les Calédoniens souhaitent en grande majorité rester français. C'est ça qu'on doit entendre. Si un jour les Calédoniens ne souhaitent plus rester français, on pourra en rediscuter. Aujourd'hui, la grande majorité des Calédoniens veulent rester français. Eh bien, réglons le problème, réglons le problème maintenant.

 

Philippe Gomès : Le référendum éclairé a été travesti en outil de communication. Un mot là-dessus, on a voulu régler, de la manière que propose l'UCF, l'indépendance avec un référendum pour purger ceux qui étaient indépendantistes. C'était en 1987. Il y a un monsieur qui s'appelle Bernard Pons, qui était ministre de l'outre-mer, à l'époque, qui a organisé ce référendum. On a gagné royalement, puisqu'en plus les indépendantistes l'ont boycotté, avec 90 % d'opposition à l'indépendance. Au total, 6 mois après, c'était Ouvéa. Donc, la dernière fois qu'on a voulu montrer à la France et au monde, pour reprendre l'expression d'un leader loyaliste local, on s'est retrouvé dans une situation où on a fini dans une grotte avec 25 morts, donc, la question "on tranche ça à la hache" c'est une question qui a été mise en œuvre, il y a 25 ans de ça, et qui a abouti à ce qu'on connaît. Donc, conclusion, le référendum éclairé, ce n'est pas un outil de communication, c'est, au contraire, le respect du peuple. Parce que le lundi matin, une fois que, imaginons que l'indépendance ait gagné, ce serait bien que les indépendantistes, qui ont voté pour l'indépendance, sachent dans quel pays ils vont se lever, comment il est organisé, ce pays. Et de la même manière, si c'est au sein de la République que les Calédoniens se prononcent, là aussi, le lundi matin, qu'ils sachent dans quel espace français ils vont se réveiller, comment sont organisés les pouvoirs publics, est-ce que le gouvernement qu'on a aujourd'hui, continue, est-ce que le corps électoral est dégelé ou est congelé, etc. Donc, le référendum éclairé, c'est une marque de respect à l'égard du peuple.

 

Journaliste : Charles Washetine, justement, cette indépendance, quel contour vous lui donnez ? Avec des questions très concrètes : qui assurera la justice, en Calédonie ? Qui assurera la défense, en Calédonie ? Toutes ces compétences régaliennes si sensibles dans un tout petit pays.

 

Charles Washetine : L'Accord le prévoit, ça fait partie des sujets qui devront être traités dans le cadre de la consultation, puisque c'est des sujets qui sont déjà indiqués comme tels, nous, on considère qu'il faut assumer pleinement la mise en œuvre de cet Accord.

 

Journaliste : La justice, c'est important, parce qu'il y a cette remarque dans le rapport de messieurs Courtial et Soucramanien, que dans un si petit pays, il est difficile d'assumer l'indépendance d'une institution comme celle de la justice. Ça ne vous effraie pas ?

 

Charles Washetine : Ça fait partie des discussions qu'on aura à tenir, le temps venu. Je suis avec attention les discussions qu'il y a autour de cette table et j'ai le sentiment qu'on prend vraiment les Calédoniens pour des demeurés. Je rappelle que l'Accord de Nouméa, approuvé par 70 % des Calédoniens, parce que l'Accord lui-même, qui est un accord de décolonisation, c'est parce que les Calédoniens considèrent qu'il faut se sortir de la situation dans laquelle on se trouve. 72 %* pour dire qu'il faut casser le système dans lequel on vit. On a mis en place toutes les institutions qui permettent précisément aux gens de ce pays d'assumer pleinement leurs responsabilités dans la mise en œuvre des politiques publiques, qui sont censées participer à jeter les bases de la citoyenneté. Il y a des espaces de dialogue, aujourd'hui, qui sont trouvés. Moi, je considère que les assemblées de provinces, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, le gouvernement, doivent être des espaces qui nous permettent de dire comment on se préoccupe des Calédoniens. Je crois que l'enjeu essentiel se trouve là. C'est moins dans la question d'être dans la France ou avec la France, parce que si on regarde les documents d'orientation de l'Accord de Nouméa, il est précisément dit…

 

Journaliste : Mais vous comprenez que pour les électeurs qui vont voter le 11 mai, c'est important.

 

Charles Washetine : Oui, c'est important, donc le temps des élections, c'est aussi convaincre nos électeurs, tout ce qui est dit au travers d'un discours porté par un indépendantiste peut être tout à fait viable, fiable, parce qu'il y a la mise en œuvre qui vient après. Vous savez, les lignes politiques, aujourd'hui, ont bougé. Vous voyez ce qui se passe, il y a un éclatement des blocs, on n'est plus du tout les deux blocs comme indiqué tout à l'heure. Aujourd'hui, je ne sais pas combien il y a de partis dits loyalistes, mais c'est parce que les Calédoniens ont fait le choix de sortir de ce discours qui les enferme. Je crois que c'est important aussi de considérer…

 

Journaliste : Il y en a trois ici aujourd'hui, ils ne sont pas tout à fait, à moins que j'ai mal entendu, prêts pour l'indépendance !

 

Charles Washetine :C'est peut-être ça aussi qui finit par jeter la confusion dans la tête des concitoyens, ici. Il y a les élections qui arrivent, et je le dis à tous les candidats potentiels autour de cette table, je crois que la meilleure manière de sortir du débat indépendance ou non-indépendance, c'est de travailler pour le compte des Calédoniens. Nous, nous considérons que le peuple calédonien est configuré, l'Accord de Nouméa a bien indiqué qui peut prétendre être citoyen ici et qui peut prétendre devenir des nationaux, ici. Le débat, France ou pas France, je le redis, le document d'orientation de l'Accord de Nouméa, puisque c'est notre feuille de route à nous tous, indique bien que l'État, il le dit, au bout de 20 ans, considérera que la Nouvelle-Calédonie a vocation à être émancipée. Derrière la question de l'indépendance, c'est la question de l'accession à la pleine souveraineté et l'émancipation du pays. L'émancipation du pays suppose une rupture avec le système qui continue malheureusement à exister, ici.

 

Journaliste : Thierry Santa, vous avez toujours cette proposition que Pierre Frogier rappelle encore, de troisième accord. Quand vous entendez, là, vos partenaires indépendantistes, on n'a pas l'impression qu'il y ait une ouverture pour ça ?

 

Thierry Santa :Je vais juste rappeler que les indépendantistes, en 88, étaient déjà indépendantistes, les indépendantistes, en 98, étaient toujours indépendantistes, ça ne nous a pas empêché de trouver un accord qui a permis le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France. Pierre Frogier m'a raconté qu'à l'époque, Monsieur Wamytan, quand vous vous étiez rencontré pour les premières discussions en 98 pour l'Accord de Nouméa, vous, vous étiez arrivé avec l'objectif d'une indépendance pour le pays ou, au mieux, une indépendance-association. Ça s'est fini avec l'Accord de Nouméa, qui n'a rien avoir avec une indépendance-association. Je profite pour répondre également à Monsieur Gomès, il n'y a jamais eu de discussion dans le dos des Calédoniens de la part du Rassemblement avec qui que ce soit sur un projet d'indépendance-association, c'est un mensonge, et ça continuera à l'être, et je pense que ce n'est pas nécessaire de s'étendre dessus davantage, parce que les Calédoniens l'ont compris. Ceci dit, l'objectif du Rassemblement depuis toujours est le symbole de la levée des deux drapeaux. Je vais revenir dessus, parce qu'on nous reproche que ça a été une concession qui a été faite par le Rassemblement aux indépendantistes. Ce n'est pas une concession, c'est un geste fort qui a été proposé par Pierre Frogier et accepté à l'unanimité du comité des signataires de 2010 à laquelle les personnes autour de cette table, quasiment, sauf Sonia, mais Gaël Yanno était présent, ont accepté cette proposition du président et la levée des deux drapeaux. Les deux drapeaux, ça a été un geste fort de reconnaissance mutuelle, d'une reconnaissance de la légitimité du peuple premier, qui est le peuple kanak, mais également une reconnaissance de toutes les autres communautés qui constituent ce pays, qui ont fait que ce pays est ce qu'il est aujourd'hui, avec tout ce qu'ils ont apporté, leur sueur, leur sang, leur travail, et ainsi de suite. C'est vraiment une reconnaissance mutuelle et c'est des symboles mis côte-à-côte pour inciter les uns et les autres à aller chacun vers les autres et pour faire en sorte que dans ce pays, on construise véritablement un destin commun tous ensemble, qu'on arrive à trouver des points d'accord qui sont les nôtres et à respecter, à se comprendre et à se respecter mutuellement, et tout cela ne sera possible que dans le cadre de la France, qui va nous protéger de nous-mêmes, puisque la France permet de garder la paix et la justice impartiale nécessaire dans tous pays, et dans notre pays en particulier, mais également nous protéger de l'extérieur, que ce soit les grandes multinationales, que ce soit les grands pays de la région, la Chine, l'Australie, tout ce qu'on veut, c'est bien le maintien de la Calédonie dans la France qui nous permettra de vivre en paix et en harmonie, les uns avec les autres.

 

Journaliste :En quoi un troisième accord permettrait d'y arriver ? Pour avoir un troisième accord, il faut négocier. Qu'est-ce qu'aujourd'hui, vous pouvez négocier ?

 

Thierry Santa :C'est ce que j'ai dit tout à l'heure. Nous, on a des points sur lesquels nous voulons revenir dans le cadre de l'Accord de Nouméa, qui est un statut provisoire de la Nouvelle-Calédonie. En face, le FLNKS viendra forcément avec des propositions, et c'est une discussion, c'est une négociation. Personne au jour d'aujourd'hui ne peut dire ce qu'il y aura dans ce troisième accord, comme c'était le cas en 97, ou peu de temps avant la signature de l'Accord de Nouméa. C'est une discussion, c'est une négociation qui aboutira à nouveau à un accord qui maintiendra la Nouvelle-Calédonie dans la France.

 

Journaliste :Philippe Gomès, le rôle de l'État :

 

Philippe Gomès: Le comité des signataires, Rock Wamytan y participait sur le drapeau en juillet 2010. Chacun se souvient ici que ça a été extrêmement houleux, puisque, quand je suis intervenu pour indiquer, au nom de Calédonie ensemble, pourquoi j'étais opposé à ce que le drapeau du FLNKS soit hissé aux côtés du drapeau tricolore, un certain nombre de personnes ont quitté la salle, en l'espèce, Pierre Frogier, Harold Martin et d'autres, et donc, ça a été un débat qui a été, en ce qui nous concerne, Calédonie ensemble, un débat important, parce que fondamental. C'est parce que l'Accord de Nouméa prévoyait un drapeau incarnant l'identité kanake, bien sûr, mais aussi le futur partagé entre tous, que ce drapeau devait être recherché en commun, il a été imposé par Pierre Frogier, aux uns et aux autres, et qu'enfin, il devait être adopté par une loi du pays à la majorité des trois cinquièmes, ce qui n'a pas été fait non plus. On s'est mis complètement à côté de l'Accord, puisqu'on a décidé d'écrire un nouvel accord entre certains autour de cette table. Nous, on n'y a pas participé. Deuxième chose, Monsieur Santa, et sur le fond, c'est intéressant parce que c'est vraiment le vrai sujet, il dit, au moment des Accords de Matignon et de Nouméa, on a réussi à trouver des voies d'un équilibre quand même, alors que les indépendantistes étaient déjà indépendantistes. C'est tout à fait exact et je ne peux que vous donner acte que c'est fondamentalement et historiquement quelque chose de juste, sauf qu'en 88, on avait des choses à négocier, c'est là où on a créé les provinces, c'est là où on a mis en place le rééquilibrage, donc il y avait de la matière pour trouver un nouvel équilibre entre indépendantistes et non-indépendantistes. En 98 aussi, on a mis en place l'Accord de Nouméa, accord de décolonisation, d'émancipation, le préalable minier a été levé, le geste fort lié au préambule a été mis en place. On a créé une capacité à édicter des lois, on a créé notre propre citoyenneté, etc. là, aujourd'hui, il faut être clair vis-à-vis des Calédoniens. Il ne faut pas croire qu'il y a des marges de manœuvre immenses entre l'indépendance et le statut d'extrême autonomie dans lequel on est. On arrive un peu au bout de l'exercice. C'est pour ça qu'on dit, nous, une solution consensuelle où on vote par oui ou par non, comme ça a été le cas pour Matignon, ou pour Nouméa. On est tous d'accord : elle n'est aujourd'hui, on le dit franchement, plus possible. C'est pour ça qu'il faut aller au bout de la démarche, cette fois-ci remplir les deux boîtes de l'indépendance et d'une Nouvelle-Calédonie émancipée au sein de la République, et faire en sorte que le peuple, cette fois-ci, n'ait plus à dire oui ou non, mais puisse choisir son projet pour le pays.

 

Journaliste :Quel rôle l'État doit jouer dans cette toute dernière ligne droite de cette dernière mandature de l'Accord de Nouméa ? Rock Wamytan, on a entendu Pierre Frogier faire une proposition de secrétariat général qui serait consacré à la Calédonie, rattaché à Matignon. Est-ce que c'est intéressant pour vous, qu'est-ce que vous en attendriez ?

 

Rock Wamytan :Non, la proposition est intéressante. Je rappelle qu'il y a eu, par le passé, une proposition de ce genre qui a été concrétisée avec Pisani.

 

Philippe Gomès :Il fallait oser le dire, je ne savais pas si vous alliez le dire.

 

Rock Wamytan :Ben si, il fallait le dire !

 

Philippe Gomès :Pour moi, le secrétariat général ou le ministre de la Nouvelle-Calédonie, c'est un très mauvais souvenir, Monsieur Wamytan. Vous comprenez que la proposition de Pierre Frogier sur le sujet…

 

Rock Wamytan :Oui, mais il faut savoir pardonner, mon cher Philippe Gomès !

 

Philippe Gomès :Ah non, mais j'ai pardonné beaucoup, on a beaucoup pardonné.

 

Rock Wamytan :Nous aussi, on a beaucoup pardonné. Non seulement on pardonne, mais il faut que chacun avale aussi un peu ses couleuvres !

 

Journaliste :Est-ce qu'aujourd'hui, l'État est trop en retrait de ce processus, original, unique, qui se passe en Nouvelle-Calédonie ? Thierry Santa :

 

Thierry Santa :Bien entendu, et c'est bien le fond de la proposition de notre président Pierre Frogier. La création de ce secrétariat général, qui n'a rien avoir avec celui qui a existé, dont on vient de parler, c'est vraiment créer une structure pérenne, suffisamment pérenne et suffisamment reconnue par le Parlement, puisque l'objectif, c'est que cette personne qui serait choisie, ce secrétaire général, serait choisie par les trois cinquièmes du Parlement. Donc, suffisamment pérenne pour, même en cas d'alternance, et nous l'espérons, vous l'avez bien compris, en 2017, au moment de l'élection présidentielle prochaine, que même en cas d'alternance, elle soit, elle continue à s'occuper des affaires de la Nouvelle-Calédonie. (?) que le constat, hélas, c'est qu'aujourd'hui, avec les changements permanents de ministres et de cabinets, et de tout ce qu'on veut, nous n'avons pas de mémoire complète du dossier calédonien au sein de la structure État, et ça, c'est nécessaire dans la situation qui est la nôtre, de sortie de l'Accord de Nouméa sur les cinq années à venir. Il faut absolument créer cette structure pérenne.

 

Journaliste :La campagne a commencé. Comment allez-vous aborder, parler de ce sujet si important, qui ne mérite peut-être pas la polémique, avec vos militants, vos sympathisants ? Charles Washetine :

 

Charles Washetine : Je crois que les Calédoniens ont tout à gagner. Si on se sort de ces débats que je considère stériles, parce qu'on se préoccupe avant tout de leur quotidien. Je crois que c'est ça qui incombe, c'est la responsabilité première de ceux qui seront élus, demain, de s'intéresser à ce qui se fait. Au lendemain des élections, il va y avoir une majorité au Congrès. Nous, ce qu'on souhaite, là aussi, dans le cadre de la mise en œuvre de l'Accord, que les compétences logées en l'article 27 soit également transférées, que ceux qui y siègent travaillent au transfert de ces compétences-là. On le souhaite, c'est à la faveur de la majorité simple. Je le dis, parce que ça participe de la mise en œuvre de l'accord. Ce qui importe, c'est qu'on travaille pour le compte des Calédoniens.

 

Journaliste : Rock Wamytan, quelle place pour l'avenir institutionnel dans la campagne de terrain ?

 

Rock Wamytan: Je crois qu'il ne faut pas se fermer les yeux. Ce sera le sujet principal, pourquoi ? Parce que tous les yeux sont tournés vers la question de l'avenir institutionnel. Évidemment qu'on va parler des problèmes de santé, du développement économique, etc., mais il n'en reste pas moins qu'au vu du déroulé de l'accord, nous sommes en train d'arriver vers la fin du processus de l'Accord de Nouméa, évidemment que tout le monde va parler de ça. Et nous, au niveau de notre groupe, nous allons en parler, nous allons proposer aux Calédoniens quelle est la vision du monde indépendantiste, des partis indépendantistes, c'est évident que nous allons parler de ça.

 

Journaliste : Thierry Santa, quelle responsabilité dans cette campagne ?

 

Thierry Santa :C'est sûr que ce sera, comme vient de le dire Monsieur Wamytan, un des thèmes essentiels de cette campagne. Ça ne sera pas le seul, puisque le projet de société va être débattu et différents projets seront présentés aux Calédoniens, mais ça restera malgré tout un thème essentiel. Nous, notre objectif, c'est de sortir définitivement de cette logique de confrontation, que chacun se mette autour d'une table et travaille ensemble pour rassurer les Calédoniens. La proposition d'un troisième accord sur une longue durée, nous en sommes convaincus, permettra aux familles, aux entreprises, à toutes personnes de faire des projets à long terme, et donc de relancer l'économie et de continuer à vivre avec la qualité de vie qui est la sienne aujourd'hui. C'est le fond de notre démarche et nous espérons pouvoir convaincre tous les Calédoniens, de quelqu'obédience qu'ils soient, puisque nous sommes convaincus que même les électeurs indépendantistes sont capables de comprendre ce message et que toute la population, la majorité qui aujourd'hui est de 60-40 à peu près, évaluera encore d'avantage dans les années à venir.

 

Journaliste : Philippe Gomès, peut-on extraire cette question de l'avenir institutionnel, d'une campagne que vous avez, Calédonie ensemble, pour l'instant, voulu relativement agressive ?

 

Philippe Gomès: Si faire le bilan de ce qui a été fait ces trois dernières années par la coalition au pouvoir, c'est agressif, non, juste une photographie avant qu'on passe à une nouvelle image. C'est ce qu'on a fait, et maintenant, on développe un projet qu'on a d'ailleurs commencé à développer dès le mois de juin 2013, lorsque nous avons tenu notre congrès à Dumbéa. Ce que je souhaite dire, c'est que le suffrage universel va s'exercer le 11 mai. Les Calédoniens vont décider qui les représente, et ceux qui les représenteront auront la lourde charge de trouver la porte de sortie de l'Accord de Nouméa. C'est une responsabilité importante, probablement la plus importante qu'on ait confiée à des élus depuis les Accords de Matignon. J'appelle simplement l'attention des auditeurs sur ce point-là. Ce que je souhaite dire également, c'est que je ne veux pas d'accord qui soit, cette fois-ci, négocié un petit peu entre quelques-uns, et ensuite, imposé au peuple. Je crois que, plus on fera participer la société civile à ces accords, plus on ouvrira les portes des discussions, des échanges, plus on mettra sur la place publique les projets, mieux les accords seront susceptibles d'être acceptés et d'être portés par l'ensemble du peuple calédonien, parce que c'est ça qui compte au bout de l'affaire, c'est que le peuple calédonien adhère à la démarche de dialogue et au projet qu'on arrivera, j'espère, je souhaite, à construire ensemble.

 

Journaliste : Sonia Backes :

 

Sonia Backes : Ce que je constate, c'est que les Calédoniens attendent qu'on leur redonne confiance dans l'avenir. Le sujet de l'avenir institutionnel va être au cœur de cette campagne. Ce que je souhaite, c'est que ce ne soit pas un sujet polémique, parce qu'on voit bien, la constitution du Congrès et de la province fait qu'aucun des partis qui sont autour de la table n'aura de majorité seule. On sera obligés de se mettre d'accord sur l'essentiel, et c'est notre engagement. Et on voit bien qu'on est d'accord sur un certain nombre de choses. Philippe Gomès nous a rejoints en disant qu'il y a de moins en moins de choses à négocier, au final, parce qu'on est aux confins de l'autonomie. On voit bien qu'on peut se rassembler sur l'essentiel, on a des différences, et c'est ce qui fait que le 11 mai, il faudra que les Calédoniens s'expriment sur ceux qui ont le projet le plus clair, la méthode et le calendrier le plus clair pour l'avenir institutionnel, mais il faudra que le lendemain, on soit capable, je parle des loyalistes, de se mettre d'accord pour ensuite engager des discussions avec les indépendantistes.

 

Journaliste : Merci à tous les cinq d'avoir débattu, ce midi, sur NC 1ère.

 

 

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